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Histoire de réville

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L’histoire de Réville est celle d’un chevauchement de peuples, depuis l’âge de la pierre taillée (le début du néolithique) jusqu’aux raids des Vikings. Le territoire commence à être cultivé vers deux mille ans avant notre ère, comme le montre les vestiges des exploitations agricoles de Tatihou. Les Celtes forment le substrat de la population du Cotentin jusqu’à la conquête de la Gaule chevelue par Jules César au milieu du Ier siècle av. J-C. Des Romains, au reste peu nombreux, soldats et administrateurs, s’établissent dans le pays gaulois des Unelles qui devient le Cotentin, en hommage à Constance Chlore, le père de l’empereur Constantin. La civilisation gallo-romaine s’épanouitdans la péninsule de la Manche, dont il reste d’importants vestiges dans les cités comme Valognes (Alauna). Un grand bouleversement se produit du IIIe au VIIe siècle lors des invasions germaniques.Des tribus saxonnes s’établissent sur le littoral du Cotentin, comme le montrent les fouilles du cimetière barbare de Réville à la pointe de la Loge, qui deviennent au fil des siècles de paisibles cultivateurs. La dernière vague est celle des Vikings, qui n’ont laissé aucune trace archéologique à Réville, mais leur souvenir est marqué par des toponymes littoraux (hommet, hougue, mare) qui montrent la réalité de cette implantation à partir du IXe siècle. Le haut Moyen âge, période mal connue, est marqué par l’empreinte de la christianisation. Missionnaires, ermites et évangélistes se répandent dans les campagnes, fondent des églises autour desquelles s’organisent les paroisses, comme ce fut le cas à Réville, où l’église paroissiale est dédiée à saint Martin. Cet illustre personnage, évêque de Tours mort en 397, se rendit-il sur les bords de la Saire ? On peut en douter ; mais, selon l’historien Roger Jouet, presque la moitié des églises du diocèse lui est consacrée. La paroisse devient le cadre de la vie quotidienne jusqu’à la Révolution et même au-delà, car les limites des communes ont épousé celles des anciennes paroisses jusqu’à nos jours. Réville tire son nom de « Regisvilla », le domaine du roi, le propriétaire éminent du sol. 

Les Xe-XIe siècles sont marqués par l’intégration progressive du Cotentin au duché de Normandie. Le chef norvégien Rollon reçoit d’abord du roi des Francs, Charles III le Simple, le territoire de la basse vallée de la Seine au traité de Saint-Clair-sur-Epte en 911. La mouvance du duché de Normandie s’étend ensuite au Bessin en 924 ; puis après la mort de Rollon, son fils Guillaume Longue Epée déloge les Bretons en 933.C’est vers l’an 1000, après l’échec d’une invasion conduite par le roi anglo-saxon Ethelred II, qui avait débarqué son armée à l’embouchure de la Saire, que Réville et les paroisses avoisinantes deviennent partie prenante du duché de Normandie. La première Normandie reste unie sous Guillaume le Conquérant devenu roi d’Angleterre en 1066, puis elle passe sous la souveraineté directe du roi de France au début du XIIIe siècle. La noblesse du Val de Saire choisit sans état d’âme de se rallier aux rois Capétiens. Cette période de paix est marquée par l’essor des abbayes, la construction des grandes cathédrales gothiques, comme à Coutances, des églises paroissiales, comme celle de Réville et sans doute des défrichements de landes et de forêts qui correspondent à un accroissement de la population. La guerre de Cent ans brise cette renaissance. Le 12 juillet 1346, le roi Edouard III d’Angleterre débarque une armée à l’embouchure de la Saire. Les opérations militaires dévastent le Cotentin, où la population doit souffrir les pillages et abandonner la culture de ses terres : c’est « le grand vuidement » .  L’occupation anglaise de la Normandie dure jusqu’en 1450, mais les troubles se rallument en 1465 lorsque les troupes du duc de Bretagne envahissent le Cotentin. La paix n’est vraiment rétablie que sous le règne de Louis XI.

Depuis le Moyen âge jusqu’à la Révolution, Réville vit sous la domination féodale. Une puissante famille, celle des comtes d’Alençon, y possédait la presque totalité du terroir. Le comte Roger de Montgommery donna en 1059 le prieuré de Réville à l’abbaye de Troarn, située à l’est de Caen. L’abbé de Troarn est le patron de ce prieuré, dont il perçoit les dîmes sur les récoltes du lin, du chanvre, des légumes et sur la pêche des poissons, ainsi que d’autres droits sur les agneaux, sur les offrandes des fidèles, les funérailles et le cimetière. Au curé, il ne resta que des broutilles et une petite rente. Lors du « grand vuidement » de 1378, les terres du prieuré de Réville sont complètement dévastées. Les paysans sont alors exemptés du paiement des taxes seigneuriales, mais en 1394, lors du rachat de Cherbourg aux Anglais, lorsque la situation devient meilleure, les religieux de Réville récupèrent la perception des redevances qui pesaient sur les tenanciers. Il y avait aussi les banalités établies sur les quatre moulins de Réville, deux à vent et deux à eau, qui obligeaient les laboureurs de Réville à payer au seigneur un droit sur la mouture de leurs gains. L’abbé de Troarn fait confirmer en 1575 son droit de gravage (propriété des épaves retirées de la mer) sur tout le littoral de Réville, depuis Landemer jusqu’à la rivière de Saire. Somme toute, par le moyen du fief du prieuré, l’abbé de Troarn, seigneur ecclésiastique, contrôlait toute la vie économique des Révillais.

La traversée de la Saire, le fleuve côtier qui marquait à son estuaire la limite entre Réville et Saint-Vaast-la Hougue, était redoutée. Tout le pays compris entre la Saire et la route allant au moulin de Réville était recouverte par les eaux à marée haute. L’inondation s’étendait alors jusqu’aux fermes de Longue Rive et du Thot. Un pont de bois fut jeté en 1693 près de l’embouchure, lorsque Vauban inspecta la baie de la Hougue, auquel succéda en 1730, plus en amont, le pont de pierre actuel. Des légendes couraient sur ce passage, comme celle du moine de Saire qui, emporté par le diable, terrorisait et détroussait les voyageurs. On disait aussi que des « goublins », petits êtres malicieux, précipitaient les passants dans la Saire ; mais les plus incrédules, rapporte Vauban, disaient que c’était surtout pour avoir bu trop de cidre…  

La préparation ses Etats généraux de 1789 suscita dans toute la France, la rédaction de cahiers de doléances, où s’écrivaient les revendications des paysans et des bourgeois qui composaient le troisième ordre. Ceux de Réville exprimaient des plaintes à peine voilées au sujet des religieux de Troarn qui ne payaient pas d’impôts, alors qu’ils possédaient presque tout le terroir. Les travaux du port militaire de Cherbourg faisaient aussi l’objet de récriminations. L’on reprochait aux entrepreneurs du roi le « volage » du sable et du granit qui affaiblissait la défense de la côte révillaise contre les assauts de la mer ; tandis que la mobilisation des manœuvres nuisait à l’agriculture : « Supplions Sa Majesté de faire employer à la continuation des travaux pour la construction du port de Cherbourg, quelques régiments de ses troupes, ou les forçats de ses galères. L’affluence des ouvriers qui se rendent de toutes parts à ces travaux, ôte à l’agriculture des bras utiles et plusieurs campagnes de tout le bailliage du Cotentin ont peine à se pourvoir des domestiques nécessaires. »

La Révolution de 1789 débarrassa les Révillais de la pesante tutelle de l’abbé de Troarn et des religieux du prieuré. Bordé de deux côtés, à l’est et au sud par la mer, le triangle de Réville demeura une communauté littorale et rurale, où l’activité de ses habitants se partagea longtemps entre les travaux des champs et ceux de la mer. Elle comptait 1500 habitants vers la fin du XIXe siècle. La pêche et la cueillette des huîtres, puis leur élevage dans la baie, demeurèrent le moyen de subsistance des habitants des hameaux de Jonville et de Landemer. L’agriculture se développa vraiment au XIXe siècle, grâce à de bonnes terres enrichies par les apports du varech tiré de la mer, qui donnaient deux récoltes par an : surtout du blé, du seigle, de l’orge, de l’avoine, des panais, des pois, du colza et de la pomme de terre. L’on récoltait aussi à Réville le lin et le chanvre. La proximité des ports de Saint-Vaast et de Barfleur explique l’existence de ces culturesliées aux fournitures navales. Quand la saison du chanvre arrivait, les femmes de pêcheurs en achetaient des champs entiers ; elles le récoltaient elles-mêmes, le préparaient, le teillaient (enlever l’écorce sur la tige), le filaient et gardaient les canibottes (partie ligneuse qui reste quand on a enlevé la filasse), qu’elles souffraient pour leur tenir lieu d’allumettes.

Les petites exploitations des bordiers voisinaient les grandes fermes, comme celles duHouguet, de la Gervaiserie, de la Sauvagerie et de Glatigny.  En 1848, sur les instances du comte du Parc, chatelain de Réville, l’administration fit placer des portes à flot au pont de Saire. Ce grand propriétaire ayant acheté les terrains des Gressets en bordure de la Saire, ces quartiers herbus cessèrent d’être des marais pour devenir les meilleurs herbages de Réville. La vie était dure. La majorité de la population se nourrissait avec un pain fait avec un mélange de farine de seigle, d’avoine et d’orge. Les plus aisés mangeaient de la « chouesne » (pain de froment) aux Rois et tournaient des crêpes à la Saint-Martin. Dans les fermes, les domestiques ne goûtaient jamais ni œufs, ni poisson, ni beurre, à peine un litre de cidre par jour.

Il y eut cependant des moments étonnants pour les Normands de Réville qui rappelèrent les expéditions de leurs ancêtres vikings. L’un de ceux-ci fut l’échouage d’un cargo nantais, le Taillefer, quelques jours avant la Noël de 1938, sur la grève de Fouly, drossé par le vent sur les rochers du Dranguet. La plage de Jonville était noire de monde. Un enfant de Réville, Jacques Liot, qui raconte ses souvenirs du « teimps d’aôt’fais », nous dit : « Je ne pense pas que la procession de la Bonne Vierge à la grotte de la Pernelle ait un jour attiré autant de personnes. Avant l’arrivée des douaniers et des gendarmes, chacun s’est servi largement sans scrupules : des barils de rhum et de porto… C’est notre cadeau de Noël. »

La véritable mutation du Val de Saire s’effectua au cours des années des années 1800-1860, lorsque les « couchis », c’est-à-dire les herbage firent reculer les labours. On dit que la presqu’île enfila ses « culottes vertes ». A ce moment-là Réville devint le haut lieu de la race bovine normande, grâce aux améliorations de l’espèce réalisées par Bon Noël et son fils François, auquel coopérèrent d’autres familles d’éleveurs comme les Houyvet, les Debrix, les Langlois, les Deslile et les Houlgatte. L’amélioration de la nourriture et la sélection des reproducteurs ont permis de créer des vaches aptes à la production de lait et de viande. Le succès de la race locale est lié à la création du « Herd-Book normand » en 1883. Prolongement logique de ce rôle pionnier, un centre d’insémination artificielle fut créé au manoir de la Crasvillerie, qui a fait place depuis peu à l’accueil detouristes…

Une étape parallèle fut l’essor de l’élevage des chevaux de selle. Le haras de Saint-Lô, établi en 1806, expérimenta le croisement d’un pur-sang avec une jument normande. La remonte militaire maintient l’élevage de chevaux destinés à la cavalerie et à l’artillerie. Avec la création du demi-sang, l’objectif du haras consiste à créer un type de cheval capable de supporter le trait et la selle. Après 1945, l’élevage du selle français, capable de travailler au galop et l’élevage des trotteurs répondent aux besoins des champs de course. On peut regretter dans le même temps la disparition progressive des chevaux de travail du Cotentin, les cobb, qui formaientde si magnifiques attelages devant les « maringotes »

Au cours de ces dernières années, l’essor du tourisme et du maraichage ont changé Réville.Ecrin d’émeraude entre Barfleur et Saint-Vaast la Hougue, Réville est devenu une station balnéaire qui attire les «horsains » épris de ses plages de sable fin et de ses espaces verts, où il fait si bon vivre. Réville reste une commune rurale, où les plantations de carottes, choux et poireaux ont colonisé le bord de mer. Cet enracinement n’empêche pas l’ouverture culturelle. La commune s’est dotée d’un superbe cinéma intercommunautaire qui renforce son attractivité. Les associations y fleurissent. Enfin, « last but not least », la course bisannuelle des autos à pédales, qui contribue à sa renommée, montre l’alliance de l’humour et du sport dans un circuit de haute compétition.

André et Claudine Zysberg

Pour en savoir plus :

– AUZEL (Jean-Baptiste, dir., La Manche : toute une histoire. – Archives départementales de la Manche, 2016.

– BACON (Yves), Monographie de Réville. – Saint-Lô, 1898.

– BARRE (Eric), Les paroisses du Val de Saire au Moyen Age. – Mémoire de maîtrise, Université de Caen, 1986.

– CANIVET (Charles), La légende du Moine de Saire. – L’écoute s’il pleut, 2001.

– DETREE (Jean-François), Graffitis marins du Val de Saire. – Musée maritime de l’île Tatihou, Saint-Vaast-la-Hougue, 2002.

-JOUET (Roger), Histoire du Cotentin : des origines à nos jours. – Editions OREP, 2019.

-LECOEUR (Maurice), Val de Saire. – Editions Isoète, 2009.

– LIOT (Jacques), L’autrefois du bonheur. – 1999.

-MAREC (Yannick) et alii,La Normandie au XIXe siècle : entre tradition et modernité. – Editions Ouest-France, 2015.

-PERROT (Annick),Saint-Vaast-la-Hougue et ses gens de mer, une société littorale du Cotentin au XVIIIe siècle.-Editions OREP, 2020. 

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